Le château de Jossigny, situé au sud de Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne), a longtemps suscité les louanges en même temps que les interrogations des historiens, quant à l'auteur de ce petit chef d'oeuvre de goût et de mesure, si caractéristique du goût rocaille du milieu du XVIIIe siècle.
Application quasi-littérale du traité de Charles-Etienne Briseux, L'art de bâtir des maisons de campagne (Paris, 1743, 2 tomes), le château fut attribué parfois à celui-ci.
J'ai pu établir, par mes recherches, qu'il s'agissait bien d'une réalisation de Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne. On consultera sur ce point ma thèse, soutenue en 2004, et l'article en deux volets publié en 2011 et 2012.
Claude-François Le Conte des Graviers connaissait, en effet, bien l'architecte depuis que son père Augustin avait cédé à celui-ci une maison à Paris, rue Montorgueil. Il logeait dans la capitale, rue des Tournelles, près de l'hôtel de Sagonne, et seul le nom du dernier Mansart apparait dans les papiers de son inventaire après décès en 1787.
Dans cette même rue des Tournelles, se trouvait l'hôtel familial d'Anne Larcher, comtesse d'Argenson, laquelle fit bâtir en 1752 sa maison de plaisance au village de Montreuil, près de Versailles, par Mansart de Sagonne, sur les conseils du marquis de Voyer, son fils. Maison plus connue sous le nom de "Maison des Italiens". Rappelons qu'en 1752, l'architecte venait d'achever le château d'Asnières. Bref, tout ce petit monde se connaissait parfaitement.
Les ornements extérieurs et intérieurs (boiseries du salon, rampe de l'escalier) sont du dessin de Nicolas Pineau, ornemaniste attitré de Mansart de Sagonne. Les agrafes extérieures sont du même modèle que celles de la Maison des Italiens, ce qui nous permet de situer la construction un an après, soit en 1753.
Ayant recueilli la succession de son père en mai 1752, Le Conte des Graviers avait alors toute lattitude pour engager la reconstruction du château XVIIe dans le goût du moment.
Le charme du château de Jossigny résida longtemps dans la qualité de ses intérieurs, demeurés intactes jusqu'à une série de vols dans les années 1960-1970, du fait des carences de l'État propriétaire.
Demeuré dans la même famille jusqu'en 1949, le château fut en effet legué à l'État par le baron de Roig, dans le souhait de le voir maintenu dans son jus. La demeure n'avait souffert aucune transformation notable depuis le XVIIIe siècle, hormis la réfection générale des parquets et la pose de nouvelles tentures en toile de Jouy dans les chambres du premier étage.
Jossigny séduit surtout par son architecture pittoresque, caractéristique de l'architecture rocaille des années 1730-1750, notamment par la couverture en pagode de l'avant-corps central, côté jardin.
Les effets de ressauts et les couvertures des pavillons sur la cour sont des répliques littérales des modèles fournies par Briseux dans son traité.
Le plan massé du château opère la synthèse de différentes formulations données par le théoricien.
On appréciera également l'extrême soin apporté à la qualité des profils et des modénatures de l'architecture, gage de qualité au XVIIIe siècle.
Depuis 2011, le château est en phase de restauration progressive. Il relève de la conservation du château de Champs-sur-Marne, longtemps mobilisée par le vaste chantier de restauration de celui-ci.