Le 30 juin 2018, le domaine départemental de Montauger, situé sur les communes de Lisses et de Villabé, était inauguré par Valérie Pécresse, présidente de la Région Ile-de-France, et par François Durovray, président du Conseil départemental de l’Essonne.
Acquis par le département en 2002, ce domaine inaugura une série d’acquisitions en vue de la protection des basses vallées de l’Essonne et de la Juine, site environnemental remarquable. Il s'agissait là de faire face à l’urbanisation croissante de Corbeil-Essonnes et de ses environs.
En 2004, le Conservatoire des Espaces naturels sensibles du département, responsable du site, nous confiait la réalisation d’une étude historique et architecturale en vue de sa restauration, laquelle fut menée de 2012 à 2015.
Le château actuel est le vestige d’un château plus important, érigé en 1759-1762 par Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne pour un de ses principaux protecteurs, Gilbert-Jérôme Clautrier, premier commis du contrôleur général des finances, c’est-à-dire, sous l’Ancien Régime, le chef de cabinet du ministre des finances de Louis XV. Le dernier des Mansart avait déjà eu l’occasion de travailler pour lui en construisant, en 1752, le beau bâtiment visible au n° 56 de la rue des Francs-Bourgeois à Paris, siège actuel de la Direction des Archives de France.
Les méandres de l’Essonne sur le site de Montauger inspirèrent à l’architecte-ingénieur la reprise du projet de canalisation de l’Essonne, abandonné au XVIIe siècle, afin de favoriser le commerce et le transport des denrées agricoles entre Paris, la Beauce, le Hurepoix et l’Orléanais (voir à ce sujet notre prochain article dans le Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Essonne et du Hurepoix).
Le château de Montauger, tel qu’il se présente actuellement – un quadrilatère ouvert dans ses parties médianes – est loin de son aspect d’origine.
Un plan retrouvé dans un acte de vente, daté de 1795, montre, en face de la grille actuelle, un corps de logis avec pavillon central et une aile en retour, à gauche. Celle-ci était séparée d’un logis en vis-à-vis par un passage vers la basse-cour (cour actuelle du château).
La grille principale, dessinée par Mansart de Sagonne, autre vestige XVIIIe du lieu, ouvrait donc sur une vaste cour, et non sur un jardin, qui donnait largement sur l’Essonne comme aujourd'hui.
Le château de Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne fut démoli en 1818-1819 par des spéculateurs, la fameuse "bande noire", auteurs de tant de démolitions à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. Ne resta plus donc que l’aile gauche que l'on voit de nos jours et qui fut remaniée dans les années 1840.
Montauger connut de nombreux propriétaires dont, au début du XXe siècle, Sylvain Rosengart, frère et associé de Lucien Rosengart, le célèbre constructeur automobile de la Belle Epoque et de l’Entre-deux-guerres. D’origine juive et devant la montée des périls, il revendit le domaine en février 1939 à Bernard-Marie Ruffier d’Epenoux, industriel du nord de la France, afin de se réfugier aux Etats-Unis.
Ruffier d’Epenoux était lié à l’industrie sucrière par son épouse, Marie-Louise Béghin, soit les fameuses sucreries Béghin-Say. En 1950, ils firent de Montauger le siège de leurs activités agricoles, industrielles, commerciales, financières, mobilières et immobilières sous le nom de SARL Foncière Agricole Montauger. Diverses expérimentations agricoles seront menées sur les vastes terrains du domaine.
Après le décès de Mme Ruffier d’Epenoux en 2001, le domaine fut mis en vente et acquis par le département de l’Essonne en mars 2002.
La beauté du site avait séduit le cinéaste Louis Malle. Il y tourna en 1958 le film Les Amants avec Jeanne Moreau dans le rôle principal, sur un scénario de Louise de Villemorin. L’action est censée se dérouler en Bourgogne.
D’une superficie de 15 hectares, Montauger se partage entre une maison de l’environnement, l’ancien château, transformée pour accueillir expositions, conférences, séminaires, stages naturalistes et animations diverses ; prairies, potager, verger et marais. Ceux-ci trouvent leur origine dans les multiples bras de l’Essonne qui, à cet endroit, font le charme du lieu.
Le visiteur y trouvera la restitution du jardin du XVIIIe siècle, qui a retrouvé son bassin central, des arbres remarquables, un verger réunissant une centaine de pommiers, pêchers, abricotiers, poiriers, cognassiers, pruniers et cerisiers.
Dans les marais, on découvrira une faune et une flore multiples et rares. On pourra aussi naviguer sur l’Essonne à partir de l’embarcadère situé derrière la Lézardière au fond du parc. Dans cet ancien hangar en bois, est exposée une batterie d’instruments agricoles d’autrefois.
Diverses guérites et pavillons, aussi en bois, ont été aménagés sur la rivière afin d’observer discrètement oiseaux, papillons, libellules et autres insectes méconnus.
En ces temps de disparition progressive du vivant, le domaine départemental de Montauger a pour objet de sensibiliser enfants et adultes à la protection de la biodiversité et au développement durable. À la veille de la présentation du plan gouvernemental sur le sujet (4 juillet 2018) par Nicolas Hulot, ministre de l’Environnement, son inauguration tombait donc à point nommé.