Ancien camp romain et place forte sur la frontière avec l’Espagne sous l’Ancien Régime, fortifiée par Vauban, Bayonne fut, après Bordeaux et Nantes, le troisième port français sur l’Atlantique. Ceci lui valut de figurer (avec deux vues comme Bordeaux, ndlr) dans la fameuse série des Ports de France par Joseph Vernet au XVIIIe siècle (Paris, musées du Louvre et de la Marine).
Aux avant-postes des échanges diplomatiques entre la France et l’Espagne jusqu’au XIXe siècle (ce que n’était pas l’autre côté des Pyrénées), dirigée par l’illustre famille des Gramont, possessionnée en Pays basque, Navarre et Béarn, Bayonne vit défiler les grands noms de l’histoire de France dont Louis XIV, Napoléon Ier et Napoléon III, lequel résidait à Biarritz. Philippe V, premier Bourbon d’Espagne, y fit son dernier séjour français avant de rejoindre Madrid tandis que Marie-Anne de Neubourg, princesse allemande et reine douairière d’Espagne, épouse du dernier des Habsbourg d'Espagne, Charles II, y termina ses jours.
A la fois basque et gasconne, capitale du Pays basque français, sous-préfecture des Pyrénées Atlantiques, siège de nombreuses administrations dont la Chambre de Commerce et d’Industrie du Pays basque et de l'EPCI Pays Basque (créé en 2017), Bayonne est une ville au patrimoine et aux atouts culturels exceptionnels : le Musée Bonnat-Helleu dispose ainsi de l’une des premières collections de dessins en France (Michel-Ange, Léonard de Vinci, Rembrandt, Poussin, Le Lorrain, Watteau, Goya, Ingres…) et de chefs d’œuvre de l’art français (Clodion, Pajou, Barye, Ingres, Bonnat, Helleu…) et européen (Rubens, Zurbaran, Murillo, Tiepolo, Goya, Lawrence, Reynolds…), la plus remarquable entre le Louvre et le Prado.
Citons également la collection de la famille de Gramont (musée en attente depuis 1982), illustre famille de l’histoire de France, et le Musée basque et de l’histoire de Bayonne, riche d’une belle collection tant historique qu'artistique et ethnographique sur le Pays basque au sens large (français et espagnol, « nord et sud » comme on dit ici).
Entre mer, montagne et campagne, Nive et Adour, France et Espagne, la douceur du climat, le caractère festif de ses habitants (les fameuses Fêtes de Bayonne en juillet-août notamment), la qualité de l’urbanisme et des paysages, sa gastronomie (son jambon et autres spécialités basques sont internationalement connues) et son équipe de rugby, l'Aviron Bayonnais, font de Bayonne une ville séduisante assurément.
Les amateurs du stylegothique seront comblés par sa cathédrale et son magnifique cloitre (l’un des rares conservés en France pour une cathédrale), ses deux forteresses médiévales (Châteaux Vieux et Neuf) tandis que ceux du XVIIIe et de l’Art Déco le seront tout autant. Bayonne est aussi la capitale française du chocolat qui fit son entrée là en France au XVIIe siècle, amené d'Espagne par les Juifs chassés par les rois catholiques.
Oui, Bayonne est pleine de séduction comme en témoignent ces clichés.
Mais, mais, mais comme dirait Jacques Dutronc ...
Malgré ces qualités évidentes, on regrettera en effet la médiocrité culturelle des élus actuels, enfermés dans leur culture basque et peu audacieux dans leurs échanges avec la péninsule ibérique*. Le beau palais de justice XIXe derrière la cathédrale, qui pouvait servir la présentation de la magnifique collection de Gramont, attendue depuis son dépôt en 1982 et exposée en partie - temporairement - en 2018 au musée basque, a été affecté à des intérêts financiers et commerciaux au grand dam des amoureux de la culture. Il aurait formé le 3e grand musée de Bayonne - musée de fondation, le 1er du parcours jusqu'au musée Bonnat-Helleu - et favorisé davantage la destination touristique. L'art contemporain et les expositions mériteraient un espace plus adéquat que les trois modestes salles du Didam. Le musée Bonnat-Helleu, fermé depuis 2011, ne rouvrira pas avant 2022, soit plus de temps que le musée des Beaux-Arts de Dijon, inauguré en mai 2019 et trois fois plus important ! Le projet de la médiathèque dans le square devant la cathédrale est enfin sinistre en matière de protection de l'environnement et du patrimoine. Gageons que les prochaines élections municipales (mars 2020) porteront une équipe plus compétente, plus jeune, plus entreprenante et plus ouverte sur le patrimoine et les partenariats extérieurs, souvent considérés ici bizarrement surtout quand ils viennent de la région-capitale.
*Les dimensions nationale et internationale de ce qui se produit de l'autre côté de la frontière, au Pays basque espagnol (Saint-Sébastien, Bilbao), ne rend que plus patent cette médiocrité culturelle.
(clichés Philippe Cachau)