Après l’exhumation des nombreuses planches du domaine impérial de Biarritz en 2016, qui seront publiées prochainement1, la découverte de l’exceptionnelle documentation sur la résidence impériale d’Arteaga en Espagne (Biscaye) constitue un autre moment fort de mon activité d’historien de l’art sur un sujet napoléonien.
C’est aussi un moment déterminant dans l’approche de l’impératrice Eugénie, de l’architecture et des arts décoratifs des résidences impériales au milieu du XIXe siècle.
La littérature sur cette résidence espagnole est inexistante en France. C’est donc avec une profonde émotion que je fais part de ce fonds exceptionnel (correspondance, planches, devis, factures …) qui sera dévoilé en cette année impériale à travers conférences et publications.
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Bien plus que Biarritz qui, contrairement à ce que l’on prétend à tort, fut autant la réalisation de Napoléon III que d’Eugénie2, Arteaga fut assurément la résidence de l’impératrice, érigée au rang des résidences impériales à compter de 1857. Comme Biarritz ou Solférino (Landes), elle demeurera, après la chute de l’Empire en 1870, sa résidence personnelle dans une Espagne qui lui restera chère jusqu’à son décès à Madrid, dans le palais familial de Liria, en 1920.
Arteaga doit être ainsi considérée comme l’un des éléments non-négligeables des rapports franco-espagnols au milieu du XIXe siècle. Cette résidence était liée en effet aux liens de l’impératrice Eugénie avec la province de Biscaye, ses parentés avec les seigneurs d’Arteaga et de Gasteiz. Sur la base de cette ascendance, les cortes de la province firent en 1856 de son fils Louis-Napoléon-Eugène, né cette année-là, un Biscayen d’origine.
Arteaga, c’est aussi, sur le plan de l’histoire de l’art, un nouveau témoignage de l’éclectisme des goûts de l’impératrice qui passe ainsi d’une architecture de style Louis XIII brique et pierre à Biarritz, dite alors "Louis XIV", au style néo-gothique à l’instar de la résidence de Pierrefonds (Oise) dont elle constitue la petite sœur espagnole. Les deux sites sont en effet conçus et commencés au même moment (1857-1858).
Plus largement, cette découverte documentaire constitue un moment déterminant dans l’appréhension d'Eugénie, trop souvent traitée sous son angle purement français. Rappelons qu’elle était à la fois : espagnole par la naissance, la famille paternelle, les mœurs (sa profonde piété catholique), les goûts (la corrida, par exemple) et l'entourage3 ; française par son mariage, son fils, son rôle d’impératrice des Français, ses ami(e)s et relations, son goût de la mode, de l’architecture et de la décoration intérieure ; anglaise enfin - britannique devrait-on dire, si l’on considère les origines écossaises de sa mère -, son intimité avec la reine Victoria et, bien sûr, son long exil en Angleterre en 1870 à Chislehurst tout d’abord, au sud-est de Londres, puis à Farnborough Hill (Hampshire), à partir de 1880, qui fut sa dernière résidence4.
Lors de mes investigations approfondies sur le domaine de Biarritz dont on parlait si mal, l’existence de cette résidence espagnole m'intrigua, étant régulièrement signalée par les contemporains et dans les sources aux côtés de celles de Pau et de Biarritz. Résidence dont ne parlaient – curieusement – jamais les historiens.
En 2018, je me rendis donc sur place afin de mieux appréhender ce site si mal connu des Français et mis en ligne des clichés de l’ex-forteresse médiévale.
En ce jour de cent-cinquantenaire de la disparition de Napoléon III, Louis XIV du XIXe siècle5, c'est une heureuse découverte qui est ainsi révélée.
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1.Ouvrage à paraître qui fait suite aux conférences, articles et hors-série livrés en 2019-2020.
2. Le tableau d'Ange Tissier figurant Napoléon III et Eugénie devant le projet du Louvre est emblématique de la collaboration qui existait au sein du couple dans la réalisation et les aménagements des résidences impériales.
3.Voir à ce propos, le remarquable article de Jean-Emmanuel Skovron, "De qui Montijo est-il le nom ? Pour une meilleure connaissance de la famille espagnole de l’Impératrice Eugénie", Napoleonica. La revue, 2021/1, n° 39, p. 54-85. Le travail ici engagé mérite d’être poursuivi car l’aspect espagnol de l’impératrice demeure encore largement ignoré en France. Nous avons pu le constater à travers son réseau espagnol, tant aristocratique que des milieux d’affaires, dans le projet de vente de la résidence de Biarritz en 1880. Réseau qui reste à identifier en grande partie.
4.Le projet de Farnborough Hill (résidence et chapelle sépulcrale Saint-Michel) est né en 1879, suite au décès du prince impérial en Afrique du Sud. Il fut confié à l'architecte Hyppolite Destailleurs (1822-1893), fin lettré et éminent architecte de la haute société du XIXe siècle. En 1880, l'impératrice mit en vente son domaine de Biarritz pour financer l'opération. Sa dernière résidence en France fut la Villa Cyrnos à Cap Martin sur la Côte d'Azur, qu'elle ne fréquentait que pour ses villégiatures.
5.Sous le Second Empire, les résidences impériales étaient aussi nombreuses que sous l'Ancien Régime, témoignant, comme le grand roi, du goût profond de Napoléon III et d'Eugénie pour l'architecture et l'urbanisme.