Châteaudun est peut-être une ville qui ne vous dit pas grand chose. Et pourtant !
Située sur un promontoire rocheux en bord du Loir, cette cité d'Eure-et-Loir, entre Chartres et Vendôme, occupée par un oppidum dès l'Antiquité, présente de beaux spécimens d'architecture médiévale, renaissance et surtout XVIIIe. Cette ville pittoresque offre un superbe panorama à 360° sur les quartiers en contre-bas et la campagne alentour.
Outre le beau bâti XVIIIe, évoqué plus bas, Châteaudun présente un exceptionnel château gothico-renaissant, tour à propriété des comtes de Blois au Moyen Age, des Orléans au XVe siècle, des Longueville aux XVIe-XVIIe siècles et des Luynes au XVIIIe. On est impressionné par l'ampleur du château du haut de son promontoire. La vue côté Loir est exceptionnelle et la façade de ce côté vaut bien la façade des Loges de François Ier au château de Blois.
Outre l'ampleur des deux aîles en retour d'équerre, ce château présente un donjon du XIIe siècle particulièrement spectaculaire, bâti par Thibault V, comte de Blois en 1180. Juché sur un promontoire de 30 mètres et haut de 31 mètres, soit 61 mètres au total, avec une circonférence de 17 mètres et des murs de 4 mètres d'épaisseur, il figure au rang des donjons les plus importants d'Europe.
On appréciera également, dans la cour, le bel escalier tournant dans œuvre, de style gothico-lombard, avec loggia à l'italienne, datés des années 1510, version augmentée de celui, contemporain, d'Azay-le-Rideau - à rampe sur rampe, quant à lui - souvent évoqué dans les manuels d'histoire de l'art.
On est ainsi surpris de ne pas voir ce château traité plus régulièrement dans les médias nationaux sur le patrimoine.
Le château de Châteaudun, superbement restauré au cours du XXe siècle depuis son acquisition par l'État en 1938, transformé en caserne au XIXe siècle, fait assurément partie des grands châteaux du Centre-Val-de-Loire à découvrir.
La partie de la ville, près du château, avec ses ruelles et escaliers pentus, ses maisons de style gothique ou renaissant, est tout ce qui reste de la cité d'origine. En effet, le 20 juin 1723, la ville à pans de bois et torchis connut un terrible incendie qui la dévasta presqu'entièrement.
Louis XV en confia la reconstruction à un membre de son Académie royale d'architecture, Jules-Michel-Alexandre Hardouin († 1737), neveu de Jules Hardouin-Mansart (1642-1708) en tant que fils de son frère Michel Hardouin (1647-1687).
Protégé par son oncle, il se forma dans l'agence des Bâtiments du roi créée par lui et fit le voyage de Rome en 1705-1706 en tant que pensionnaire de l'Académie de France, séjour rare pour un architecte à cette époque1.
Figurant au rang des architectes du roi en vue durant la Régence et le début du règne de Louis XV, réputé pour les remaniements du château d'Herbault, en Orléanais, pour le puissant Charles-Gaspard Dodun (1679-1736), contôleur général des finances, Jules-Michel-Alexandre Hardouin se trouva donc tout désigné pour œuvrer en Vallée du Loir.
Pour la reconstruction de Châteaudun, Hardouin reprit le plan en damier, dit aussi "hippodaméen", expression de la cité idéale issue de la Renaissance, tel que le cardinal de Richelieu le pratiqua pour sa cité de Touraine, un siècle plus tôt, développé ensuite, plus amplement, à Versailles dans la seconde moitié du XVIIe.L'architecte se souvint du plan adopté par son oncle Hardouin-Mansart, dans les années 1690, pour le lotissement du quartier du Parc-aux-Cerfs à Versailles, devenu le quartier Saint-Louis de la ville.
Ceux qui connaissent cette partie de Versailles seront séduits par le charme des maisons en rez-de-chaussée ou à étage(s) avec comble mansardé, voire des hôtels particuliers évoquant ceux des rues Saint-Louis ou Borgnis-Desbordes du quartier versaillais.
Châteaudun présente ainsi une grâce opposée à la sévérité de l'urbanisme de la cité du cardinal de Richelieu.
Signalons le superbe Hôtel-Dieu (milieu XVIIIe) et son bel avant-corps de style rocaille, ensemble qui mériterait une réhabilitation complète par la ville. Il forme, avec l'église médiévale de la Madeleine, et l'hôtel mitoyen XVIIIe de l'abbaye du même nom, un bel ensemble autour de la place qui les sépare.
La place centrale de la ville, ex-place royale, présente aussi un bâti XVIIIe intéressant, à la fois simple (maisons alentours) et d'une grande noblesse (logis symétriques et néo-classiques de l'hôtel de ville et de l'immeuble en vis-à-vis de l'autre côté de l'axe central de la cité).
Si l'on ajoute la belle promenade fleurie dominant le Loir et le charme du parc en contrebas, au bord de la rivière et ses méandres, Châteaudun présente des atouts indéniables pour une halte touristique.
À découvrir assurément !
1. Cf. notre article "Un Mansart en Italie : le carnet de dessins inédit de Mansart de Sagonne (1735)", Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art Français, 2007(2008), p. 157-171.