En février 1642, Richard de Petit de La Salle, conseiller secrétaire du roi, cédait à son confrère Pierre Gargan, sieur de Villiers, domicilié à Paris, rue du Temple, paroisse Saint-Nicolas-des-Champs*, le domaine des Hauldres relevant de la seigneurie d’Étiolles (Essonne).
Pierre Gargan se trouvait être le beau-père de Jean-François de Guénégaud des Brosses, évoqué plus bas, dont la famille et lui-même furent de fidèles commanditaires de François Mansart par les hôtels Guénégaud du Plessis et Guénégaud des Brosses à Paris, les châteaux du Plessis-Belleville et de Fresnes-sur-Marne.
La modeste maison érigée au XVIe siècle, pour la surveillance du ru des Hauldres qui se jette dans la Seine, venait d’être somptueusement rebâtie. Le château actuel, très dénaturé, ne constitue que le triste reflet d’une splendide demeure du milieu du XVIIe siècle.
Il est décrit, en effet, dans l’acte de vente comme "un grand pavillon bâti de neuf par ledit Petit accompagné de deux pavillons dont l’un est la chapelle et l’autre un cabinet", élevé sur plusieurs caves au-dessous.
La cour, à gauche, était encadrée par deux logis pour les écuries et les communs (granges et cuisine), dont l’un partait du pavillon gauche du château. En vis-à-vis des logis, se trouvaient deux pavillons symétriques dont l’un servait de colombier.
L’ensemble des bâtiments était couvert d’ardoises.
La cour était fermée, entre les pavillons, d’un mur de clôture et d’un portail en brique et pierre.
Une avant-cour, pavée et engazonnée en partie, était bordée, elle-aussi, de deux logis et était fermée à son extrémité d’une série d’arcades, sommées d’une balustrade.
Un pont de pierre au-dessus du ru, canalisé tout son long dans le domaine, reliait la cour et l'avant-cour.
Une grande allée plantée menait de la cour à la route d’Étiolles à Soisy, actuel Bld du Général de Gaulle. Le verger et le potager se déployaient, à droite, en montant vers le château.
Une autre allée plantée faisait le tour du parc qui couvrait une vingtaine d’arpents. Ccette allée est visible derrière le château sur le plan XVIIIe.
Le jardin, au-devant, se composait de parterres, terrasses, fontaines jaillissantes (sic), ormoie, potager, pépinières, vignes et réservoir pour l’arrosage. Il était entouré de bosquets, plantés en partie, avec fontaine, le tout établi dans la prairie voisine du jardin.
Le domaine se composait aussi d’une saussaie, avec lavoir sur le ru, d’un manège pour chevaux dans le parc, de 7 arpents de prés, 30 arpents de terres labourables, tant sur la colline d’Étiolles que dans la vallée de la Seine, ainsi que de 2 arpents de vigne.
Comme on le voit, il s’agissait d’un fort beau domaine, loin de l’image qu’il offre aujourd’hui. On comprend mieux, dès lors, la présence des illustres propriétaires qui se succédèrent jusqu’au début du XXe siècle.
Le 2 mai 1660, la veuve de Pierre Gargan, mort en 1657, cédait les lieux à son gendre, Jean-François de Guénégaud, seigneur des Brosses, contre une rente de 1 775 livres.
Qui dit Guénégaud et Gargan dit François Mansart. Gargan s'était, en effet, porté acquéreur du château car il le savait réalisé par l'architecte fétiche de la famille. L’attribution au Grand Mansart mérite, en effet, attention au regard d’un certain nombre d’éléments.
Sur le plan architectural, plusieurs détails attirent l’attention :
Tout d’abord, le château ressemble, étrangement, à celui de Petit-Bourg, situé de l'autre côté de la Seine, à savoir un logis avec pavillons central et deux latéraux. Celui-ci appartenait à Jean Galland, conseiller secrétaire du roi comme Petit de La Salle, et il est daté de 1640, soit le contemporain des Hauldres.
Notre château évoque aussi une autre construction de la famille Guénégaud : le château du Plessis-Belleville avec la saillie du pavillon central, côté cour, en moins. Comme dans ce château, les pavillons latéraux servaient de chapelle et de cabinet.
Du côté de l’entrée, il est précédé d’une terrasse qui, si elle n’est pas l’apanage du seul François Mansart, mérite néanmoins d'être soulignée au regard des exemples que sont les châteaux de Berny, Balleroy, Tremblay-sur-Mauldre, Blois ou Gesvres.
Le déploiement latéral des cours évoque Berny et le motif des pavillons détachés est bien connu également (châteaux de Balleroy, Tremblay-sur-Mauldre, Coulommiers, Gesvres, Petit-Bourg).
Les arcades de l’avant-cour évoquent, quant à elles, celles de la cour du Tremblay.
Le dessin du jardin (quatre parterres en gazon terminés en hémicycle autour d’un bassin) évoque, pour sa part, le château de Balleroy.
Le château des Hauldres relevait, rappelons-le, de la seigneurie d’Étiolles dont le seigneur n’était autre que Nicolas de Bailleul, commanditaire bien connu de François Mansart à Soisy, terre voisine d’Étiolles, et seigneur de Soisy depuis 1620.
En 1653, une chapelle sépulcrale fut érigée par François Mansart sur le flanc droit de l’église, avant la réalisation de son tombeau en 1655-57.
En 1660-65, Louis de Soisy, fils de Nicolas, fera remanier son château par l’architecte.
Ainsi, François Mansart aurait-il œuvré sur le triangle Petit-Bourg-Les Hauldres-Soisy, que la proximité géographique et les liens attestés entre les différents commanditaires corroboreraient ?
Claude Mignot, dans son ouvrage sur François Mansart en 2016**, rappelle que "dans la société du XVIIe siècle, les connivences de voisinage et de paroisse tiennent une place importante".
Au décès de Guénégaud des Brosses en 1667, le château revint successivement à sa veuve, Marie Gargan, fille de Pierre, puis à leur fille Élizabeth de Guénégaud, laquelle le cédera en 1699.
Au XVIIIe siècle, il fut la propriété de Charles-Guillaume Le Normant d’Étiolles, époux de Madame de Pompadour, puis du comte Charles-Marie de La Vieuville, entre autres.
Aux XIXe et XXe siècles, il fut la résidence de plaisance du fameux architecte parisien, Joseph-Michel Le Soufaché, puis de sa descendance.
*François Mansart fut l'auteur du maître-autel de l'église en 1624-1628 et logea à compter de 1631 à l'hôtel Jacquelin, rue Michel-Le-Comte, qui relevait de la paroisse.
**Claude Mignot, François Mansart, un architecte artiste au temps de Louis XIII et de Louis XIV, éditions Le Passage, Paris, 2016.
Étude complète sur le domaine des Hauldres et les domaines voisins dans Études.