Jules Hardouin-Mansart, l'architecte-jardinier

On conçoit mal qu'un architecte puisse être jardinier et vice-versa.

La relecture des écrits d'Alexandre Gady sur l'activité jardinière d'Hardouin-Mansart dans son ouvrage collectif paru en 2010 et dans le catalogue de l'exposition Le Nôtre à Versailles en 2013, brillant dans la forme mais assez léger quant au fond*, m'a conduit à livrer ici un propos plus dense, extrait de mon ouvrage sur la dynastie Mansart (à paraitre).

Il m'a paru en effet important de rappeler à tous les amateurs de jardins et d'architecture des XVIIe-XVIIIe siècles, combien Hardouin-Mansart demeure un acteur important dans la conception des jardins à la fin du XVIIe et durant la première moitié du XVIIIe.

Cet aspect avait déjà été évoqué à plusieurs reprises par l'universitaire américain Thomas Hédin, s'agissant des jardins de Versailles et ce bien avant que les historiens français en soient pleinement conscients.

Fort des travaux de Bertrand Jestaz, le grand spécialiste de l'activité d'Hardouin-Mansart et des travaux récents sur le sujet, je livre donc au lecteur un propos général sur l'activité jardinière d'Hardouin-Mansart, tant dans les résidences royales (Versailles, Marly, Trianon) que dans les résidences princières ou divers châteaux français.

J'y rappelle l'apport de l'architecte-jardinier sur la base des concepts établis par Le Nostre et comment il s'en émancipa pour établir ceux qui devaient dominer la première moitié du XVIIIe siècle.

Ce propos entend amener le visiteur des jardins de Versailles à juger de la pertinence du retour au prétendu "état Le Nôtre" - il n'en est rien en vérité - voulu par Jean-Pierre Babelon en 1995, alors directeur de l'établissement public du domaine national, suite à la tempête survenue en février 1990.

Retour qui fut conduit de la fin des années 1990 au milieu des 2010 par Pierre-André Lablaude, architecte en charge des jardins de Versailles, suite à la dramatique tempête de décembre 1999. Il apparait, après analyse, bien illusoire en raison de l'impossibilité même de rétablir certains bosquets complexes (Labyrinthe, Théâtre d'Eau) mais aussi de l'évolution de nombreux bosquets sous le règne de Louis XIV comme nous le rappelons dans le propos en pièce jointe ci-dessous.

Contrairement au domaine de Trianon, auquel M. Lablaude sut redonner sa belle physionomie de la fin du XVIIIe siècle, les jardins de Versailles sont aujourd'hui un patchwork d'état divers (Le Nostre, Hardouin-Mansart, XVIIIe, XIXe et XXIe), bien loin de l'état voulu par le Roi-Soleil à la fin de son règne comme de l'état laissé par Louis XVI, suite à la replantation de 1774-1776, au départ de la cour en octobre 1789. Etat que nous fûmes nombreux à connaitre et à apprécier au cours du XXe siècle et ce jusqu'aux derniers aménagements des années 2010.

Un retour à l'état fin XVIIIe, celui du départ de la cour en 1789 précisément, pertinemment établi par Pierre de Nolhac il y a plus d'un siècle, s'imposera donc dans les décennies à venir afin de concilier enfin états intérieurs du corps central du château et état extérieur de ses parc et jardins.

C'est tout l'objet du propos ici délivré.

Bonne réflexion à tous !

Ph. Cachau, Jules Hardouin-Mansart, l'architecte jardinier, avril 2022Ph. Cachau, Jules Hardouin-Mansart, l'architecte-jardinier, avril 2022

 

           Jules Hardouin-Mansart, bassin de Latone par André Le Nostre, modifié en 1687, Versailles, cl. Ph. Cachau             Jules Hardouin-Mansart, bosquet de la Colonnade, Versailles, 1684-1686, cl. Ph. Cachau

 

Dernière nouvelle, mai 2022 : Hardouin-Mansart est l'auteur du dessin des parc et jardins du château de Sourches (Sarthe), exécutés par le jardinier du lieu de 1701 à 1712, pour François-Louis du Bouchet, marquis de Sourches (1685-17), grand prévôt de France à Versailles, gouverneur du Maine et célèbre mémorialiste du règne de Louis XIV. Son petit-fils Louis II du Bouchet fera travailler, au milieu du XVIIIe siècle, Jean Mansart de Jouy à Sourches et Abondant (Eure-et-Loir, boiseries au Louvre).

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*Le propos d'Alexandre Gady dans le catalogue Le Nötre de 2013 (p. 164-169) est en effet plutôt succinct et l'on comprend qu'il ait confié le sujet à Claude Mignot dans son ouvrage sur Hardouin-Mansart en 2010 (p. 113-123). Claude Mignot reprend la légende d'un Le Nostre formé par François Mansart quand Patricia Bouchenot-Déchin rappelle, à juste titre, qu'il était issu d'une dynastie de jardiniers du roi, originaires de Blois et établis à Paris à compter de 1570 (2013, p. 35). Le Nostre collabora aux côtés de François Mansart en tant que "Premier jardinier de Monsieur", frère du roi, Gaston d'Orléans, puis de Philippe d'Orléans, frère cadet de Louis XIV. Les deux hommes échangèrent leur expérience respective en matière d'architecture et de jardin mais aussi d'hydraulique.

Rappelons que les travaux d'Alexandre Gady sur Hardouin-Mansart se limitent à quelques publications, l'essentiel des recherches sur le sujet ayant été effectué par Bertand Jestaz depuis les années 1950-1960, quant à la vie et l'activité, publiées aux éditions Picard en 2008, et par mes soins, quant à sa succession et sa famille, dans ma thèse soutenue à Paris-I en 2004 (recherches effectuées depuis la fin des années 1980).

J'ai enrichi depuis lors substanciellement le corpus de l'oeuvre d'Hardouin-Mansart. Je regrette que ma participation à l'ouvrage de M. Gady fut réduite à la portion congrue et que je dus défendre la généologie indédite de l'architecte que j'avais soigneusement établie dans ma thèse. C'est d'ailleurs une généalogie erronée, et non la mienne, qui fut présentée à l'exposition du musée Carnavalet sur l'architecte en 2009. Il me parait important de livrer ces éléments d'informations au lecteur afin de connaitre les compétences réelles des uns et des autres sur le sujet Hardouin-Mansart.

 

 
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