Touraine

Antoine de Saint-Exupéry et la Touraine, La Nouvelle République, Tours, 29-30 octobre 2022

Découvrez ici et dans l'article du dimanche 30 octobre de la Nouvelle République, édition de Tours, les liens mésestimés d'Antoine de Saint-Exupéry et de sa famille avec la Touraine, le Vouvray et le Chinonais en particulier, et plus précisément le château de Sonnay.

  La Nouvelle République, Tours, 29 octobre 2022 (édition numérique)

Article Nouvelle République, 30 octobre 2022,  p. 4Article Nouvelle République,30 octobre 2022, p. 4

Erratum : lire sous le cliché ancien au bas, à droite : "Marguerite et Jean, tante et père d'Antoine de Saint-Exupéry, devant le château de Sonnay"

 

                                        Chateau de Sonnay, Cravant-les-Côteaux, Indre-et-Loire, copyright Ph. Cachau

  

       Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944)             Une de la Nouvelle République, Tours, 30 octobre 2022

Les Gabriels, architectes en Touraine au XVIIe siècle

Célèbre dynastie d’architectes des XVIIe-XVIIIe siècles au même titre que celle des Mansart à laquelle ils étaient apparentées – une nièce de François Mansart, Marie Delisle, sœur de Pierre Delisle-Mansart et cousine germaine de Jules Hardouin-Mansart, avait épousé en 1663 Jacques IV Gabriel (vers 1639-1686) –, une branche des Gabriel va quitter sa Normandie d’origine pour s’établir au début du XVIIe siècle en Touraine avant de faire carrière à Paris et Versailles pour une partie d’entre eux.

Dans les années 1630, Jacques II Gabriel (1605-1662) quitta en effet Argentan (Orne), où demeura son frère aîné Maurice (1602-1649), afin de s’établir dans la riche contrée de Saint-Paterne, sise entre Tours et Le Mans, sur la route reliant les deux villes et où se trouvait l’importante abbaye de la Clarté-Dieu.

Ces terres fécondes devaient constituer, dans les années 1660, celles offertes par Louis XIV à sa maîtresse tourangelle Louise de La Vallière (née à Tours en 1644, ndlr) pour constituer le duché de La Vallière.

Ceci explique en partie pourquoi la descendance de Jacques II s’en alla œuvrer à Paris et Versailles après son décès en 1662 pendant que l’autre partie demeura en Touraine à Saint-Paterne où sont encore une partie de la famille.

 

          Jacques II Gabriel, grande terrasse du château de la Roche-Racan, Saint-Paterne, années 1630, cl. Ph. Cachau              Jacques II Gabriel, château de la Roche-Racan, Saint-Paterne, années 1630, cl. Ph. Cachau

 

La première et la seule réalisation attestée de Jacques II, en l’état actuel des connaissances, est le château de la Roche-Racan à Saint-Paterne, bâti au début des années 1630 pour Honorat de Bueil (1589-1670), seigneur de Racan, poète réputé du règne de Louis XIII, devenu l’un des premiers membres de l’Académie française créée par Richelieu en 1634-1635. Rappelons que ce dernier établira aussi en Touraine son château et une cité à proximité, au sud de la région où était aussi d’autres grands seigneurs parisiens (Le Bouthillier, Mexme Gallet …) ou poitevins (De La Trémoille).

Jacques II Gabriel se livra à La Roche-Racan a un intéressant jeu de terrasse dominant la vallée de l’Écotais et conçut un grand corps de logis perpendiculaire à la grande terrasse. Là, est encore visible, dans ce qui reste du logis, le bel escalier à rampe sur rampe, agrémenté de pilastres ioniques et à la belle stéréotomie, l'art de lier les pierres entre elles. Les proportions de l'ensemble sont un peu maladroites mais il dut faire sensation en son temps dans cette partie de la Touraine.

 

                                                        Jacques II Gabriel, grand escalier du  chateau  de la Roche-Racan, années 1630, cl. Ph. Cachaue

 

On peut aussi rendre à Jacques II, voire à ses fils Jacques IV et Pierre, ce dernier très actif dans le secteur, les superbes retables baroques de l’église de Saint-Paterne.

Les trois hommes ne manquèrent sans doute pas d’être aussi sollicités pour les retables et autres décorations baroques des environs, à l’abbaye de La Clarté-Dieu ou à la collégiale SS. Michel-et-Pierre de Bueil, entre autres.

 

           Les Gabriels, retables de l'église de Saint-Paterne, milieu XVIIe, cl. Ph. Cachau              Pierre Gabriel, décor de la chapelle du château de la Motte-Sonzay, vers 1685, cl. Ph. Cachau

 

Nos recherches sur le château de La Motte à Sonzay ont permis d’identifier l’activité de Pierre Gabriel (1649-1695) ‒ 3e fils de Jacques II, issu d’un second lit ‒ pour Marie-Anne de Bueil, épouse du comte Jean-Léonard d’Acigné et future mère du maréchal-duc de Richelieu.

En décembre 1685, Pierre Gabriel se vit commander le nouveau maître-autel de l’église de Sonzay, ensemble détruit à la Révolution. Il ne fait pas de doute qu’il est aussi l’auteur de la décoration baroque de la chapelle du château de La Motte, exécutée à la même période. La Motte était en effet depuis le Moyen Age un fief de la famille de Bueil et Jacques II, père de Pierre, avait réalisé celle de La Roche-Racan en 1635-1636. Ajoutons que l’activité de Pierre Gabriel à La Motte-Sonzay est attestée dès 1679.

Le frère aîné de Pierre, Jacques IV Gabriel quittera la Touraine pour Paris et Versailles en 1662-1663, donnant naissance à la branche des grands architectes du règne de Louis XV : Jacques V Gabriel (1666-1742), son fils, et Ange-Jacques Gabriel (1698-1782), son petit-fils.

 

     Jacques V Gabriel, Pavillon central de la place de la Bourse, Bordeaux, 2e quart du XVIIIe siècle, cl. Ph. Cachau          Ange-Jacques Gabriel, Colonnade du pavillon du Garde-Meuble, 1766, cl. Ph. Cachau

 

Les Gabriel, architectes en Touraine au XVIIe siècle, émission Tilt, TV Tours, 22 février 2022, vidéo

 

Bibliographie :

Michel Gallet - Yves Bottineau (dir.), Les Gabriel, éd. Picard, Paris, 1982, réédition 2004.

Jean-Marie Pérouse de Montclos, Ange-Jacques Gabriel, l'héritier d'une dynastie d'architectes, CMN, Paris, 2012.

Alexis de Tocqueville : de Versailles à la Touraine

On ne présente plus Alexis de Tocqueville (1805-1859), de son vrai nom Alexis-Henri-Charles Clérel, comte de Tocqueville, chantre de la démocratie américaine. Le début de sa carrière fut marquée par sa nomination, en 1827 en tant que juge auditeur au Tribunal royal de Versailles. Son père était alors préfet de Seine-et-Oise.

Cette nomination lui valut de faire la connaissance de Gustave Bonnin de La Bonninière de Beaumont, dit Gustave de Beaumont (1802-1866), désigné l'année précente (22 février 1826), procureur du roi au tribunal de première instance. Beaumont restera à Versailles jusqu'à sa nomination à celui de Paris, le 27 septembre 1829.

Les deux hommes, qui étaient de la même génération et pétris des mêmes idées, se lièrent d'une amitié indéfectible dans la cité royale. Beaumont hébergea ainsi son ami au 66 rue d'Anjou où il disposait d'un appartement.

Une plaque commémorative rappelle la présence de Tocqueville à cet endroit, de 1828 à 1832*. Elle nous est sensible à plusieurs titres : non seulement en tant qu'enfant du quartier Saint-Louis de Versailles, mais aussi en tant qu'ex-voisin du lieu durant deux décennies et enfin en tant qu'auteur d'un ouvrage sur la famille de Beaumont et son fief tourangeau, paru en 2019**.

 

                    Logement de Tocqueville à Versailles, 66 rue d'Anjou, cl. Ph. Cachau                    Plaque du 66 rue d'Anjou à Versailles, cl. Ph. Cachau

 

En 1830, suite à leur démarche auprès du garde des Sceaux, Tocqueville et Beaumont obtinrent du gouvernement un congé de dix-huit mois afin de se rendre aux Etats-Unis pour étudier le système pénitentiaire américain, aux conceptions révolutionnaires alors en termes de gestion des détenus. En avril 1831, les deux hommes embarquèrent au Havre en direction de New York.

Ce séjour, qui s'étendit jusqu'en janvier 1832, valut aux deux amis la sortie d'ouvrages majeurs pour le XIXe siècle, à savoir : pour Gustave de Beaumont, Du système pénitentiaire aux Etats-Unis (1833) en collaboration avec Tocqueville et Marie ou de l'esclavage aux Etats-Unis (1835), première grande dénonciation de la situation des Noirs américains.

Enfin, pour Tocqueville, l'ouvrage en deux tomes, De la démocratie en Amérique (t. I, 1835 ; t.II, 1840), "best-seller" de la littérature française et européenne. Les deux hommes se livreront ensuite à une carrière politique sur les bancs de l'Assemblée en tant que députés.

 

                    Les Trésorières à Saint-Cyr-sur-Loire, XVIIIe-XIXe siècles, cl. Ph. Cachau                           Théodore Chasseriau, Alexis de Tocqueville (1805-1859), 1850, Château de Versailles

 

En 1853, Tocqueville éprouvant le besoin de passer l’été et l’hiver en province - le Second Empire n'était pas sa tasse de thé ! -, son ami Gustave de Beaumont lui trouva une demeure, Les Trésorières à Saint-Cyr-sur-Loire, en périphérie de Tours. Il y séjourna de juin 1853 à mai 1854.

Ceci lui permit d'entreprendre des recherches aux Archives départementales d’Indre-et-Loire pour servir son essai, L'Ancien Régime et la Révolution (Paris,1856). Tocqueville décédera cinq ans plus tard à Cannes.

 

                         Gustave de Beaumont (1802-1866)                                Ouvrage Beaumont-la-Ronce 2019

 

Cette présence d'Alexis de Tocqueville à Saint-Cyr-sur-Loire, dans la région de la famille de Beaumont, lui vaut aujourd'hui son portrait sur un rond point très fréquenté de la ville.

On regrettera que Gustave de Beaumont, issu d'une des plus vieilles familles tourangelles et ce depuis le Moyen Age, né à quelques kilomètres de là, à Beaumont-la-Ronce, n'ait pu disposé de semblable faveur près de lui, son oeuvre littéraire - certes quelque peu oublié aujourd'hui - ayant été au moins aussi important.

Espérons que ce regrettable oubli saura être réparé par la municipalité.

___________________________________________

* 1831 nous semble plus exact, Tocqueville étant en Amérique en 1831-1832 et à Paris ensuite.

**Ouvrage disponible sur demande (12 euros + frais de port).

Pierre Meusnier, un grand architecte tourangeau du XVIIIe siècle à (re)découvrir.

Qui se souvient de Pierre Meusnier (1711-1781) à Tours et en Touraine ?

À part de rares historiens, plus personne n'a conservé le souvenir de ce grand architecte tourangeau du XVIIIe siècle. Pourtant, et fort heureusement, nombre de ses bâtiments sont parvenus jusqu'à nous. Ils ont survécu aux affres de l'Histoire et particulièrement aux nombreuses démolitions de la Seconde Guerre mondiale et de l'Après-Guerre.

Le Palais du Commerce, dit "Hôtel des Consuls" au XVIIIe siècle, rue Jules Favre, demeure l'une de des plus belles réalisations de l'architecte à Tours, celle d'un style rocaille qu'il répandit dans la Touraine du siècle des Lumières.

Actuelle propriété du Conseil départemental d'Indre-et-Loire* et Chambre de Commerce de Tours jusqu'en 2018, le bâtiment fut érigé de 1757 à 1759.

Je m'étais penché sur son histoire dans les années 1990, lors de mes recherches en thèse sur Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne auquel l'édifice fut souvent attribué.

Cette attribution n'était pas totalement infondée, tant les similitudes, biographiques comme esthétiques, sont nombreuses entre les deux architectes comme on le découvrira dans mon article pour la Société Archéologique de Touraine.

La vérité sur l'auteur de l'édifice fut établie par mes soins, découverte faite, non à Tours, mais aux Archives nationales, comme mentionnée dans ma thèse soutenue en 2004.

Cet article est aussi l'occasion de dresser un bref panorama de l'activité de Pierre Meusnier à Tours et en Touraine.

En 2013, je lui avais rendu les ailes et pavillons latéraux du château des Ormes, édifiés de 1757 à 1764, pour le comte Marc-Pierre de Voyer d'Argenson, ministre de la Guerre de Louis XV, lors de son exil sur ses terres tourangelles.

D'autres bâtiments demeurent à réattribuer. C'est tout l'objectif que je me suis assigné dans le cadre de la redécouverte des réalisations post-Renaissance de la Touraine.

*Seule la partie fin XIXe en retour sur la rue Berthelot appartenait à la Chambre de Commerce, vendue en 2018.

Société archéologique de Touraine SAT 37

 

                      Bulletin de la Société archéologique de Touraine, t. LXVI, 2020 ( 2021)             Pierre Meusnier, Palais du Commerce de Tours, 1757-1759, cl. Ph Cachau

 

Les patrimoines post-Renaissance de Touraine sont sur Facebook !

La Touraine est l’une des provinces de France la plus riche en patrimoine. Plusieurs centaines de sites sont protégés, inscrits ou classés, pour ce seul département, soit presqu’autant que certaines régions françaises !

Ce patrimoine est trop souvent réduit à celui de la seule Renaissance et particulièrement aux grands châteaux du Val-de-Loire classés Unesco.

 

                                                    Pierre Meusnier, Chartreuse du Liget, milieu XVIIIe, cl. Ph. Cachau

 

Découvrez à travers la page Facebook Patrimoines de Touraine la diversité de ce magnifique patrimoine, du XVIIe au XXe siècle, souvent ignorés.

Cette page entend contribuer à une plus large connaissance du patrimoine de Touraine au-delà de la seule Renaissance, à sa protection et à son étude.

Elle entend aussi participer à une plus large diffusion du tourisme sur l'ensemble de l'Indre-et-Loire dans ses parties nord et sud qui demeurent éloignées des grands flux du Val-de-Loire.

Une répartition plus équitable du tourisme accroîtra ainsi les potentialités de ces territoires.                                                                                             

Sont présentés actuellement parmi les plus beaux et les plus intéressants sites des XVIIe-XVIIIe siècles, qu’il s’agisse d’émouvants vestiges ou de bâtiments demeurés jusqu’à nous. Ceux qui souhaitent séjourner plus longuement trouverons, non loin de là, des lieux d’hébergement des plus séduisants.

Bonne découverte à tous !

 

                  Guillaume de La Tremblaye, abbaye mauriste de Bourgueil, XVIIIe siècle, cl. Ph. Cachau             Château de Restigné, XVIIIe siècle, cl. Ph. Cachau