François-Joseph Bélanger (1744-1818) fut l'un des architectes majeurs de la seconde moitié du XVIIIe siècle.
On trouvera la diversité de ses talents consignée dans le programme du colloque ci-dessous, organisé à l'occasion du bicentenaire de sa mort.
Bélanger est surtout connu pour avoir tenu le pari donné par le comte d'Artois - futur Charles X - à sa belle-soeur, Marie-Antoinette, d'ériger un nouveau pavillon de plaisance en moins de trois mois : celui de Bagatelle. Pari tenu (septembre - novembre 1777) !
Ce prodige vaudra à l'architecte la commande, la même année, de la Folie Saint-James à Neuilly par Claude Baudard de Vaudésir, baron de Saint-James. Bélanger réalisera aussi pour le comte d'Artois, cette année-là, la fameuse salle à manger néo-classique du château de Maisons (1777-1784).
Le comte d'Artois avait recruté Bélanger, dont il fut le premier architecte de sa maison en 1778, sur la recommandation de Marc-René de Voyer d'Argenson, dit le marquis de Voyer (1722-1782), ainsi que l'indique une lettre de l'architecte à celui-ci du 22 août.
Le marquis était réputé, en effet, pour son goût sûr et audacieux, ainsi que la protection accordée à de nombreux artistes par ses différentes commandes : château et haras d'Asnières ; réfection et nouveaux décors de l'hôtel de Voyer au Palais-Royal ; château, haras et grange-écurie des Ormes (Vienne), autant de réalisations que l'on trouvera évoquées sur ce site.
En 1778, Bélanger marqua sa reconnaissance au marquis pour la recommandation accordée auprès d'un autre commanditaire prestigieux : Lord Shelburn à Londres. Il lui confirma son rôle éminent dans les arts de son temps : "non seulement vous êtes l'ami des Arts", lui écrit-il, "mais vous méritez d'être le père des artistes" !
Bélanger et Voyer avaient de nombreux liens à commencer par celui de son maître, Julien-David Le Roy, pionnier de l'hellénisme français, membre des Académies royales d'Architecture et des Inscriptions et Belles-Lettres. Le Roy était le protégé et le conseiller du marquis depuis les années 1750.
Il y eut aussi la proximité de Bélanger avec Charles De Wailly, architecte du marquis à partir des années 1750 : décors de la salle à manger du château d'Asnières (1754), de l'hôtel de Voyer (1762-1770), constructions du corps central du château et de la grange-écurie des Ormes (1766-1783).
Bélanger était aussi proche de l'élève et collaborateur de De Wailly, Bernard Poyet, qui œuvra sur les derniers chantiers évoqués.
Bélanger et Voyer avaient d'autres points communs : l'Angleterre - l'architecte s'y rendit à deux reprises (1773 et 1778) - et le cheval : par sa maîtresse, la fameuse cantatrice Sophie Arnoult, l'architecte travailla à l'hôtel parisien et au haras de Canisy en Normandie, propriété de Louis-Félicité de Brancas, comte de Lauraguais, ami de longue date du marquis de Voyer.
La relation entre Voyer et Artois s'était établie, quant à elle, par l'intermédiare de Louis-Philippe-Joseph, duc de Chartres, futur duc d'Orléans, intime des D'Argenson et cousin d'Artois.
La proximité de leurs domaines en bordure de Seine (châteaux de Neuilly et d'Asnières pour Voyer d'Argenson, Bagatelle et Maisons pour Artois), leurs goûts communs de l'Angleterre, des arts et surtout des chevaux avaient servi également leur relation.
C'est par ce biais qu'elle se fit en effet : en 1775, date d'acquisition de Bagatelle par le comte d'Artois, le marquis de Voyer vendit des pur-sang anglais, issus de ses haras des Ormes, au duc de Chartres. En 1777, Artois en souhaita pour la réalisation de ses haras de Maisons, établis dans les écuries du château.
Voyer lui prodigua parallèlement des conseils pour la nouvelle salle à manger du château de Maisons, lui recommandant Bélanger à cet effet. L'architecte était alors au service de la Couronne comme dessinateur des Menus Plaisirs depuis 1767.
Parallèlement à Maisons, Bélanger devait réaliser, en 1778, les écuries du comte, rue d'Anjou, à Paris, là même où Voyer avait les siennes, puis celles de son épouse à Versailles en 1783.
Ce sont là des aspects méconnus de l'histoire de ces deux hommes emblématiques d'un certain art de vivre à la française au XVIIIe siècle.
Aspects qu'il nous a paru important d'évoquer et de partager à l'occasion de ce colloque.
programme colloque Bélanger, décembre 2018
Références :
Poitiers, Bibliothèque universitaire, fonds ancien, Archives d'Argenson.
Nicole de Blomac : Voyer d'Argenson et le cheval des Lumières, Paris, éd. Belin, 2004.
Le château de Versailles rend hommage, du 6 octobre 2018 au 3 février 2019, à Louis-Philippe, roi des Français, qui décida, en 1833, de consacrer le site "À toutes les gloires de la France" par la création d’un grand musée de l’histoire de France, depuis Clovis à 1830, date de son arrivée sur le trône.
Ce musée fut inauguré le 10 juin 1837 et ouvrit ses portes, dès le lendemain.
L’exposition, dont la commissaire est Valérie Bajou, était envisagée depuis une dizaine d’années au moins mais elle n’avait jamais pu voir le jour jusqu'ici.
Longtemps, en effet, depuis Pierre de Nolhac (1859-1936), conservateur du château de 1892 à 1919, le musée de l'Histoire de France de Versailles demeura honni de la conservation. Seul l’Ancien Régime retenait alors toute son attention.
Plus généralement, hormis, l’ère napoléonienne au Grand Trianon, le XIXe siècle demeurait proscrit, suivant le goût général en France au XXe siècle.
À partir des années 1970-1980, les choses évoluèrent peu à peu, quand, suite à la loi programme de 1978, on décida de conserver le musée de Louis-Philippe dans les ailes nord et sud – emplacement d’anciens appartements princiers (aile sud) et courtisans (aile nord) – et de rétablir dans le corps central, l’état d' Ancien Régime, celui du 6 octobre 1789, date du départ de la cour.
Cette exposition permet de découvrir les superbes salles élaborées dans le goût du temps, à savoir celles des Croisades, sur Napoléon et de 1830, mais aussi, et surtout, les trois salles relatives à la conquête de l’Afrique du nord (Constantine, Smala et Maroc), confiées au grand peintre Horace Vernet (1789-1863). C’est en effet avec Louis-Philippe que s’ouvre l’ère coloniale de la France.
Demeurées inaccessibles depuis des lustres, ces salles - qui servirent tour à tour de réserves, puis de lieux d’exposition - sont enfin dévoliées dans leur état originel.
Mais Louis-Philippe à Versailles, ce n’est pas que le château et son musée historique.
Lors de ses séjours dans la cité royale, comme Napoléon, le roi des Français logeait au Grand Trianon et ce dès 1833.
Pour lui et sa nombreuse famille, il décida le réaménagement des lieux en 1835. Il fit ainsi établir une chapelle dans l’aile de Trianon-sous-bois. Chapelle où sa fille Marie-Christine-Caroline-Adélaïde (1813-1839) épousa, en octobre 1837, le prince allemand Alexandre de Wurtemberg (1804-1881).
Outre les appartements bien connus et encore visibles de la reine des Belges – sa fille Louise-Marie-Thérèse (1812-1850) – et le salon de famille, réalisé à l’emplacement de deux salons de Louis XIV, le roi des Français fit installer son appartement au bout de l’aile sud qui ouvrait sur les jardins et le Grand Canal, derrière l’ancienne salle du conseil de Louis XIV.
Il installa sa chambre, qui était aussi celle de Marie-Amélie – le roi et la reine couchaient bourgeoisement dans le même lit ! - dans celle de l'impératrice Marie-Louise au début du siècle. Le lit de Louis XVIII aux Tuileries fut disposé là et agrandi pour l'occasion.
Les enfants du couple royal furent installés, quant à eux, dans la partie nord du Grand Trianon, ses cinq fils étant à Trianon-sous-Bois.
Depuis 2016, l'appartement de Louis-Philippe fait l’objet d’un rétablissement complet dans ce qui était, jusqu'alors, les appartements des hôtes de marque de la France. Appartement établis en 1966, à la demande du général de Gaulle, à l'occasion de la restauration du palais.
Ce rétablissement de l'appartement Louis-Philippe est mené par le talentueux Jérémie Benoit, conservateur en chef en charge des Trianons, auquel on doit la superbe restauration, dans son état Premier Empire, des intérieurs de la maison de la reine au hameau. Une restauration inaugurée en juin 2018.
M. Benoit a sorti des réserves, tout le mobilier Louis-Philippe, demeuré entreposé là depuis l’ère Pierre de Nolhac. Ces appartements pourront être découverts prochainement. Un pas de plus vers l’état XIXe du Grand Trianon.
Pendant ses séjours à Versailles, Louis-Philippe et sa famille venaient aux offices à la cathédrale Saint-Louis.
En octobre 1837, soit quelques mois après l’inauguration du musée historique du château, il assista au Te Deum donné suite à la prise de Constantine (Algérie), le 13 du mois.
Le début de son règne fut marqué par le rétablissement de la chapelle axiale de la Vierge : en 1835, on commanda à l’artiste tyrolien Dominique Malkenecht (1793-1876), dit aussi Molkenecht, une statue de la Vierge à l’enfant en marbre, présentée au Salon du Louvre en 1837.
L’artiste s’était distingué alors par une Assomption de la Vierge pour la cathédrale de Metz (1835-1836). La commande rendait hommage à la Vierge pour avoir protéger la cité royale de l’épidémie de choléra qui avait sévi à Paris et ses environs en 1831-1832.
La réalisation de cette statue devait conduire au rétablissement complet de la chapelle dans les années 1840.
En 1843, Mgr Louis Blanquart de Bailleul, évêque de Versailles, décida la réfection de l’autel et fit disposer, par la fabrique, la balustrade en marbre que l’on voit aujourd’hui. Ces marbres étaient issus de la Petite Venise, près du Grand Canal, où se trouvaient différentes margelles des bassins du parc.
En 1847, la statue de Malkenecht, disposée jusqu’alors sur un piédestal, trouva enfin place au-dessus de l’autel, conformément au souhait des fidèles.
On réalisa, cette année-là, la gloire baroque ornée de têtes de chérubins. L’ensemble remplaçait le tableau de Hyacinthe Colin de Vermont, La présentation de la Vierge au Temple (1755), installée là depuis le milieu du XVIIIe siècle. Tableau visible, aujourd'hui, dans une chapelle latérale de la nef.
La restauration de la chapelle de la Vierge s’acheva par la réalisation des vitraux de l’Annonciation et de l’Assomption, confiés à Achille Devéria (1800-1857), célèbre peintre et lithographe de l’ère romantique, que Louis-Philippe avait sollicité pour son musée historique et le vitrail de la chapelle du Grand Trianon.
Exécutés par la manufacture de Sèvres, ces superbes vitraux furent installés en juin 1848. Le roi des Français était alors déchu depuis la révolution survenue en février. En mars 1847, il avait offert sur sa liste civile, le vitrail de l’Assomption, en gage de bienfaisance à la ville de Versailles.
Après la visite de l’exposition du château, pensez aussi à parachever votre périple par celle de ces deux sites emblématiques de la présence du roi des Français à Versailles.
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