Il est des sujets d’histoire ou d’histoire de l’art qui peuvent paraitre anecdotiques mais ils se révèlent, à l’analyse, loin de là.
Prenez le projet d’acquisition par Louis XV du château de Maisons-Laffitte pour Madame de Pompadour en 1747 : vous découvrirez combien ce projet était ancien chez les Bourbons et qu’il en fut à nouveau question pour Madame du Barry.
La tradition Mansart voulut que le Bien-Aimé fît appel à Mansart de Sagonne. Si les projets ne sont pas conservés, ils nous sont néanmoins connus par la description faite par Jacques-François Blondel dans le tome III de son "Cours d’Architecture" en 1772.
J’eus l’occasion d’évoquer les rapports particuliers entre Blondel et le dernier Mansart dans les actes du colloque Blondel, tenu à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, en 2017. Actes parus aux éditions Mardaga, à Bruxelles, en 2022.
La perfidie du théoricien à l’égard d’un architecte qu’il jalousait se confirme à nouveau : demander ses plans pour mieux les critiquer et valoriser François Mansart, "le Grand Mansart", au détriment du dernier membre de la dynastie ! On y verra peut-être aussi une critique sous-jacente du choix du roi comme on le fit en 1754 à l’occasion de celui de Mansart de Jouy pour le portail de Saint-Eustache à Paris. L’envie face au talent est éternelle, comme on sait.
Enfin, il est intéressant d’observer comment le château de Maisons, par ce projet de modifications, devait marquer Mansart de Sagonne à Asnières. Il est question une fois encore, en conclusion, du marquis de Voyer, personnage décidément incontournable dans le champ de l’architecture et des chevaux au siècle des Lumières.
Article en ligne téléchargeable ici (cliquez sur pdf).
Bonne lecture !
Les actes du colloque Jacques François Blondel. La dernière leçon de l’architecture à la française tenu à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, le 14 décembre 2017, viennent de paraître, aux éditions Mardaga, sous la direction d’Aurélien Davrius, maître de conférences à l’École supérieure d'Architecture Paris-Malaquais.
Le sommaire est excellent et vous pourrez y découvrir mon article "Blondel et les Mansart : une leçon particulière" (p. 33-53).
Il est l’occasion de rappeler les relations ambivalentes qu’entretînt le grand maître de l’enseignement de l’architecture en France au XVIIIe siècle envers ceux qu’il considérait comme des modèles, à prendre ou à rejeter suivant qu’ils relevaient du génie ou du talent.
Si le goût prononcé de Blondel pour l’œuvre de François Mansart est bien connu, on oublie souvent, cependant, qu’il montra un égal attrait pour l’activité de Jules Hardouin-Mansart, partagé entre l’intellect de l’un et l’affect de l’autre.
S’agissant du troisième membre de la dynastie, à savoir Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne, architecte du roi, Blondel l’ignora superbement, n’évoquant ses bâtiments que de manière laconique.
On découvrira dans cet article comment leurs relations communes avec le grand sculpteur-ornemaniste Nicolas Pineau, mais aussi avec les Voyer d’Argenson à travers l’Académie de Saint-Luc, ou le projet de Trianon allemand que constituait le château de Jägersburg pour le duc Christian IV des Deux-Ponts, furent autant de motifs de frictions ou, tout du moins, de rivalités entre les deux hommes.
Cette relation « particulière » rejaillit naturellement sur Pierre Patte, disciple de Blondel, qui succéda à Mansart de Sagonne au service du prince allemand.
Après Blondel, l’activité de Mansart de Sagonne fut escamotée à son tour par Pierre Patte, notamment dans son grand ouvrage Monuments érigés en France à la gloire de Louis XV (1765) qui recense les grands projets de places royales dédiées au roi. Le dernier Mansart n’apparait pas quoique, suite à mes travaux en thèse, il figure comme l’architecte du roi qui avait le plus investi ce thème, tant à Paris qu’à Marseille*.
Ses grands projets royaux, dont celui de l’église royale Saint-Louis de Versailles, ne seront guère mieux traités par les deux hommes. C’est ainsi que l’architecte du roi demeura un éternel inconnu jusqu’au XXe siècle.
Après tant de vicissitudes, je livre donc aux amateurs d’architecture XVIIIe cet aspect méconnu de l’activité de Blondel et de ses liens avec le dernier des Mansart.
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*Voir mes articles :
-"Un projet inédit de place royale et d’hôtel de ville à Marseille par Mansart de Sagonne (1752)", Bulletin Monumental, 1996, n° 1, p. 129-147.
-"Les projets de Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne pour la place Louis XV de Paris (1748-1753)", Paris, capitale des arts sous Louis XV, annales du Centre Ledoux, tome 2, Paris-Bordeaux, 1998, p. 129-147.
-"L'hôtel de ville de Marseille. Vicissitudes de l'aménagement urbain sous Louis XV" in Hôtels de ville. Architecture publique à la Renaissance, ouvrage collectif sous la direction d'Alain Salamagne, Rennes et Tours, 2015, p. 319-344.
Depuis plus de 30 ans, mes recherches m'ont conduit sur la piste de plusieurs bâtiments et projets rendus ou attribuables aux cinq Mansart.
Après l’article général sur la dynastie, publié en décembre 2016, dans le n° 11 du Bulletin de la Société des Amis du Château de Maisons, il m'a semblé intéressant d’en rappeler la liste aux historiens et amateurs des XVIIe-XVIIIe siècles.
Cette liste sera complétée à chaque nouvelle découverte :
François Mansart (1598-1666)
-Château des Hauldres à Etiolles (Essonne), 1641-16421
-Château de Trois-Villes (Pyrénées Atlantiques), 1660-16632
Jules Hardouin-Mansart (1646-1708)
-Hôtel de Beauvillier, 12-14 rue de l’Indépendance américaine, Versailles, 16813
-Hôtel de Chevreuse, 8-10bis rue de l’Indépendance américaine, Versailles, 16823
-Hôtel de Croissy, 7 rue de l’Indépendance américaine, Versailles, 16833
-Porte de l'abbaye Notre-Dame-des-Anges, Saint-Cyr, vers 168519
-Pavillons d'entrée de la cour du château et pavillon de Manse à Chantilly, 1686-1688
-Hôtel-Dieu, Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher), 16994
-Parc et jardins du château de Sourches (Sarthe), d'après le projet livré, 1701, parachevé en 17125
-Chapelle du château de Serrant (Maine-et-Loire), d'après le projet livré, années 17006
Pierre Delisle-Mansart (1641-1710)
-Maisons du marché Notre-Dame, Versailles, 1672-16747
-Maison Delisle-Mansart, 2 rue au Pain, Versailles, 16727
-Maison de la veuve de La Rue, 4 rue au Pain, Versailles, 16727
-Maison de Mathurin Lamy, notaire, 17 rue des Deux-Portes, Versailles, 1673-16747
-Maison de Melle des Œillets, 12 rue André Chénier, Versailles, 1673-1674 (détruite)7
Jean Mansart de Jouy (1705-1783)
-Hôtel Potier de Novion, 12 rue du Parc Royal, Paris, 17338
-Eglise Saint-Médard (décor intérieur), Brunoy, 1748-17509
-Projet pour le château de Sourches (Sarthe), 1747-174810
-Restauration des 21 fermes du marquisat de Sourches, 1747-175210
-Pavillon neuf du château de Chaillou, Indre, 175611
-Pavillon de chasse de Louis-Charles de Bourbon, comte d'Eu, en forêt de Dreux, 175612
-Hôtel de Chalabre, rue de Gramont, Paris, 1770-1774 (détruit)13
-Maison Dière, 23-25 rue Grenelle-Saint-Honoré, Paris, 1770-177613
Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne, dit aussi Mansart de Lévy (1711-1778)
-Maison Poisson, 50 rue de Richelieu, 173814
-Maison Richard, 100 rue de Richelieu, 1738 (détruite)14
-Maison de Mansart de Sagonne (ancienne mairie), Ivry-sur-Seine, 1738-1739 (détruite)14
-Extension du château de la Source, près d'Orléans, et remise au goût du jour des intérieurs pour Simon Boutin, début des années 17403
-Hôtel de Marsilly, 18 rue du Cherche-Midi, 1739-174014
-Maison Saint-Florentin (lycée Lamartine), 121 rue du faubourg Poissonnière, Paris, 174014
-Hôtel de Mannevillette, 18 rue Hoche, Versailles, 174614
-Chartreuse de Lugny, Côte-d'Or, années 174017
-Monastère royal Notre-Dame de Prouille (Aude), 1746-178714
-Château et haras royaux d’Asnières-sur-Seine, 1750-1755 (vestiges)15
-Hôtel de Crèvecœur, 4 rue La Feuillade et 4-4bis rue des Petits-Pères, Paris, 175014
-Projet de galerie à couverture zénithale pour le palais de Cassel (Allemagne), 1750 (non réalisé)14
-Maison Bourgeois, 62 rue Montmartre, 1750-1751 (vestiges)14
-Château de Jägersburg, Homburg (Allemagne), 1752-1756 (détruit)14
-Château de Jossigny (Seine-et-Marne), 175314
-Maison Dubois, 2 place Hoche, Versailles, 175318
-Hôtel-Dieu, Marseille, 175314
-Pavillon Letellier, 14 rue du Maréchal Joffre, Versailles, 1754-175514
-Eglise des Carmes-Billettes, 22-26 rue des Archives, Paris, 1754-1758 (d’après Mansart de Sagonne) 14
-Château de Montauger, Lisses (Essonne), 1759-1762 (vestiges)14
Références
1. Identifié en 2007.
2. Identifié en 2013.
3. Identifié en 2010, Cf. article sur ces trois hôtels en 2011.
4. Identifié en 2011.
5. Aimablement signalé par Damien Castel en 2022.
6. Identifié en 2019.
7. Identifiée en 2011.
8. Aimablement siganlé par Christian Baulez en 2013.
9. Identifiée en 2011
10. Aimablement signalé par Damien Castel en 2022.
11. Aimablement signalé par Ludovic Vieira (♦2019), 2000.
12. Identifié en 2021.
13. Aimablement signalé(e) par Christian Baulez en 2012.
14. Identifié entre 1995 et 2000, cf. Ph. Cachau, Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne, dernier des Mansart (1711-1778), thèse d’histoire de l’art, Paris-I Panthéon-Sorbonne, 3 tomes,
2004.
15. Identifiés en 1988.
16. Identifié en 2013.
17. Aimablement signalé par Fabrice Ouziel.
18. Identifiée en 2011.
19. Identifiée en 2022.
Un Mansart au Pays basque : le projet de canal Atlantique-Méditerrannée de Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne (1767-1769), conférence dans le cadre des Conférences des universités du temps libre de la Société des Sciences, Lettres et Arts de Bayonne, musée basque et de l'histoire de Bayonne, vendredi 3 octobre, 15h.
Découvrez le projet méconnu de Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne qui devait contribuer à la réalisation du Canal impérial d'Aragon, voulu par Charles Quint, au XIXe siècle. Cette conférence a fait l'objet d'une publication en Espagne en 2001 dans Archivo espanol de arte.