En septembre 2016, le salon de compagnie de l’Empereur au Grand Trianon a vu le retour de deux œuvres de Jean Belin, dit "Blin de Fontenay" (1653-1715), conservées au Musée des Beaux-Arts de Caen, ville dont il était originaire.
Saisies à la Révolution et dispersées dans divers musées de province sous le Premier Empire, ces œuvres faisaient partie des derniers tableaux du Grand Trianon à ne pas avoir été remis en place, suite à la restauration du palais par le Général De Gaulle et André Malraux, ministre de la Culture, en 1963-1966.
Cette remise en place a pu se faire ici grâce au signalement que j'ai donné à la conservation de Versailles en 2011, après une visite du musée de Caen.
Connaissant bien ce salon pour avoir vu restituer, en 1985-1986, le mur à pans concaves au fond de la pièce - elle était alors carrée -, ainsi que ses boiseries par Pierre Lemoine, conservateur en chef du domaine de Versailles, j'avais souvenance des dessus-de-porte qui s’y trouvaient et qui demeuraient manquants.
Cette remise en place m'est d’autant plus sensible qu’elle parachève le travail d’identification des toiles du Grand Trianon conduit, dans les années 1960, par Antoine Schnapper (1933-2004), professeur d’histoire de l’art réputé à Paris-IV Sorbonne, dont je fus l'élève de 1987 à 1989. Son travail donna lieu à un ouvrage fameux : Tableaux pour le Trianon de marbre 1688-1714, Paris et La Haye,1967.
Dans ses cours sur Louis XIV et la peinture à l’Institut d’histoire de l’art, rue Michelet à Paris, Schnapper évoquait souvent ses recherches et les déboires subis par certaines toiles lors des restaurations opérées par Gérald Van Der Kemp avec les méthodes venues des États-Unis, son épouse étant américaine (ndlr).
Spécialiste français de la peinture de fleurs, à l’instar des peintres flamands ou hollandais, Blin de Fontenay s’était vu commander la plupart des dessus-de-porte, de cheminée et de glace sur ce thème.
Rappelons que Louis XIV avait dédié son nouveau palais de marbre - sa résidence familiale - à la déesse Flore.
Conçu par Jules Hardouin-Mansart en 1687-1688, le Grand Trianon est aussi un lieu qui m'est cher pour y avoir contracté, dans les années 1980, le goût de l'histoire de l'art et des musées, y travaillant durant plusieurs mois en tant que vacataire pour financer mes études.
Sur un autre plan, ce palais m'est aussi sensible car il servit de modèle à l’une des réalisations importantes de Mansart de Sagonne en Allemagne, la seule effective des Mansart à l’étranger, détruite en 1793 : le château de Jägersburg (1752-1756).
Avec la remise en place de ces toiles, c’est donc la restitution des décors peints du Trianon de Louis XIV, engagée il y a 50 ans, qui trouve ici son terme.